Présente dans plus de 65 pays, elle a fait son entrée au Québec depuis quelques années et gagne sans cesse du terrain, grâce à une tique et à une souris. 

Cette maladie est une vieille compagne de l’humanité. Ce n’est que depuis peu que l’homme a pris conscience de sa présence à ses côtés, alors qu’elle représente la plus fréquente des maladies infectieuses transmises par un animal dans l’hémisphère nord. 

Une maladie vieille comme le monde 

Déjà il y a 5300 ans, Ötzi souffrait de la maladie de Lyme. Le célèbre homme de glace, découvert dans les Alpes en 1991, était contaminé par la bactérie responsable de la maladie. Pourtant, ce n’est qu’en 1977 que la maladie fut formellement identifiée. Chez des habitants de la ville de Lyme, au Connecticut, d’où son nom. 

Depuis, on a diagnostiqué la maladie un peu partout dans l’hémisphère nord, comme le montrent les cartes ci-dessous.

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La souris à pattes blanches et la tique à pattes noires au banc des accusés 

La maladie de Lyme progresse à la vitesse de l’invasion d’une petite souris qui nous vient du sud. Une souris à première vue inoffensive.

Pour la rencontrer, nous sommes allés dans un boisé près de Montréal. Une équipe de chercheurs de l’Université McGill inspecte des pièges pour suivre la progression de cette souris bien particulière : la souris à pattes blanches.

Nous sommes avec Virginie Millien, biologiste. Elle s’intéresse à cette souris depuis des années. Un animal qui s’avère un très bon indicateur du réchauffement climatique : plus le climat se réchauffe, plus son territoire s’agrandit vers le nord. Elle progresse de 10 kilomètres par année.

Mais elle ne vient pas seule. Une tique (un arthropode) la parasite souvent. Cette tique est très petite et ne vit que pour se gorger de sang trois fois dans sa vie qui dure deux ans. Chaque repas lui permet de passer d’un stade de développement à un autre.

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Cycle de vie 

À l’état de larve, la tique est minuscule, se déplace peu et grimpe sur de petits brins d’herbe. Là, elle attend qu’un animal la frôle. Aussitôt, elle s’y agrippe et se prépare à prendre son repas. Ses cibles privilégiées sont surtout de petits animaux : des oiseaux, des souris. 

Une fois nymphe, elle peut monter un peu plus haut dans la végétation. Là, raton laveur, renard, chien et chat peuvent la prendre au passage. 

Une fois adulte, elle peut grimper encore plus haut, et ce sont de gros mammifères qui en héritent, particulièrement le cerf de Virginie (communément appelé chevreuil). 

La souris à pattes blanches : le principal réservoir de Borrelia burgdorferi 

Là où les choses se corsent, c’est que la souris à pattes blanches est souvent infectée par une bactérie, la Borrelia burgdorferi. Cette bactérie est un spirochète, une bactérie d’allure serpentine en forme de vrille. Ce type de bactérie se retrouve aussi dans d’autres maladies, dont la plus connue est la syphilis. 

La tique qui se nourrit sur une souris infectée s’infecte à son tour. Et une tique infectée est en mesure de donner la bactérie à tous ceux qu’elle piquera dans sa vie.

Il suffit donc de la présence d’une souris infectée et d’une tique pour que le bal des infections commence. C’est actuellement le cas dans le sud du Québec, qui comprend la grande région de Montréal.

La tique qui attend sur son brin d’herbe ne fait pas la fine bouche. Si un humain la frôle, elle s’y accroche. Et si cette tique est infectée, alors la Borrelia se retrouvera dans un nouvel hôte qui aura la maladie de Lyme.

En 2012, dans le sud du Québec, environ 10 % des tiques étaient infectées. Un an plus tard, les analyses de l’équipe de Virginie Millien montrent un taux d’environ 20 %.

Comment la tique pique-t-elle ses hôtes ? 

Contrairement au moustique qui pique en moins d’une minute, la tique prend son temps. Elle s’accroche à son hôte pendant trois à cinq jours pour prendre sa pitance. 

La tique mord la peau, crée une ouverture et y enfonce son rostre. Cette activité prend plusieurs heures. Elle utilise un anesthésiant pour rendre l’hôte insensible à la morsure. 

Une fois son rostre bien ancré dans la peau jusqu’au derme, elle injecte une enzyme digestive qui décompose le tissu du derme et elle aspire le tout. Puis l’opération se répète, agrandissant la poche ainsi creusée sous la peau.

Elle finit par atteindre un petit vaisseau sanguin et y aspire le sang. Ce processus peut durer plusieurs jours. Si une tique est découverte et enlevée 24 heures après qu’elle s’est accrochée à sa proie, il y a très peu de risque qu’elle ait eu le temps d’infecter son hôte avec la bactérie Borrelia.

La science comprend très peu le mode d’action de la bactérie. Il semble qu’elle puisse infecter son hôte sans nécessairement utiliser le système sanguin. Comme un tire-bouchon, elle s’enfonce dans les chairs et peut ainsi atteindre de nombreux organes. Il est parfois difficile de la détecter.

Heureusement, la bactérie est très sensible aux antibiotiques. Si le patient est pris en charge tôt, il est facile de l’éliminer.

Les symptômes de la maladie

Le stade primaire
La maladie de Lyme montre des symptômes de type auto-immunitaire qui se déclinent en trois temps, comme pour la syphilis. De trois jours à un mois après la morsure, on note l’apparition d’une rougeur cutanée autour de la morsure dans environ 80 % des cas. Cette rougeur, appelée érythème migrant, peut prendre la forme d’une cible. C’est une réaction du système immunitaire à la progression de la bactérie. On peut noter aussi un mal de tête, de la fièvre, de la fatigue et des douleurs articulaires. Ensuite, les symptômes se dissipent. À ce stade, la maladie est souvent non diagnostiquée. 

Le stade secondaire
Si la maladie n’a pas été traitée lors du stade primaire, des symptômes réapparaissent quelques semaines, ou quelques mois, voire des années après la morsure. Le symptôme le plus courant est l’arthrite. On peut aussi retrouver de la fatigue chronique, des maux de tête, un état dépressif, une paralysie faciale… Encore une fois, les symptômes finissent par s’atténuer. 

Le stade tertiaire
Certains patients non traités ou insuffisamment traités voient apparaître quelques mois ou années après la morsure les mêmes symptômes que le stade secondaire. L’arthrite peut réapparaître, durer plus longtemps et être très sévère. Des complications cardiaques sont alors fréquentes et peuvent même s’avérer mortelles. 

Quelles précautions pouvez-vous prendre ? 

Les tiques se retrouvent dans les sous-bois. Le promeneur doit prendre des précautions vestimentaires : pantalons longs, manches longues, utilisation d’insectifuge. Des vêtements de couleur claire permettent de mieux repérer les tiques qui s’y accrochent. 

De retour à la maison, prenez une douche et vérifiez si une tique s’est installée sur la peau. Si c’est le cas, l’enlever à partir de la base avec une pince à sourcils ou un tire-tique. 

Dans les premières 24 heures, il y a très peu de risque que vous soyez infecté. Cependant, il est recommandé de consulter un médecin. Il y a de fortes probabilités que la tique ne soit pas infectée par la Borrelia. 

Dans beaucoup de pays, ces précautions sont devenues courantes. Dans les régions du Québec et du Canada où la maladie est en train de devenir endémique, il faudra aussi que cela devienne une habitude. Et si vous vous promenez dans un boisé aux États-Unis ou en Europe, la prudence s’impose aussi. 

En 2013, on a diagnostiqué la maladie de Lyme chez environ 140 Québécois. La moitié l’avait contractée au Québec, l’autre à l’étranger, principalement en Nouvelle-Angleterre. 

Une maladie qui est là pour de bon 

La maladie de Lyme doit être prise au sérieux. Comme elle est en train d’émerger, elle est encore considérée comme une maladie rare. Et à cause des symptômes qui varient beaucoup d’un individu à l’autre, il n’est pas toujours facile de la diagnostiquer.

Par contre, elle se traite facilement avec des antibiotiques. D’ici 2050, la très grande majorité de la population du Québec vivra près d’endroits où la souris à pattes blanches, la tique à pattes noires et la bactérie Borrelia se seront installées à demeure, comme c’est le cas actuellement en Nouvelle-Angleterre.

Source : ici.radio-canada.ca